Le rôle du Product Owner (PO) est au cœur des équipes Scrum, chargé de maximiser la valeur du produit et d’orchestrer la gestion du Product Backlog. Pourtant, de nombreuses organisations adoptant Scrum sont freinées par des interprétations erronées de ce que signifie vraiment « être Product Owner ». Ces mythes influencent la dynamique d’équipe, le rapport aux parties prenantes et, au final, l’impact produit.
Voici un panorama des cinq croyances les plus répandues, leurs origines, et des pistes pour s’en libérer.
Mythe 1 : Le Product Owner crée seul tous les items du Product Backlog
Origine de la croyance
Nombre d’organisations imaginent le PO comme l’unique rédacteur et gestionnaire du Backlog. Cette vision limite la collaboration alors que la gestion du Backlog est un travail d’équipe. Si le PO est responsable de la priorisation et de la cohérence, rien n’interdit aux développeurs ou aux parties prenantes de proposer ou même de rédiger de nouveaux items (PBIs). Cette capacité à déléguer et à co-créer est un atout fondamental du modèle Scrum.
Réalité et bonnes pratiques
- Le PO est le garant de la qualité et de la pertinence du Backlog, mais la génération d’idées peut venir de tout l’écosystème produit ;
- Encourager les développeurs à transformer leurs idées en PBIs renforce l’esprit d’innovation et d’autonomie ;
- Pour garantir la cohérence, le PO reste redevable de l’ensemble du Backlog, mais il n’en est pas forcément le seul « scribe ».
Mythe 2 : Le Product Owner est le chef de projet de l’équipe Scrum
Origine de la croyance
Ce mythe provient souvent d’une confusion entre gestion de projet traditionnelle et agilité. Le PO, vu comme chef d’orchestre, porterait seul la charge de la planification, du budget, du suivi des tâches individuelles et des livrables. Or, ce n’est ni souhaitable, ni conforme à Scrum.
Réalité et bonnes pratiques
- Le PO n’a pas vocation à piloter le quotidien des développeurs ni à micro-manager leurs activités ;
- Sa responsabilité est de maximiser la valeur produite, en garantissant l’alignement stratégique et la communication entre parties prenantes et équipe ;
- La gestion opérationnelle des tâches et du « comment » appartient toujours à l’équipe de développement, qui s’auto-organise pour atteindre les objectifs fixés ;
- Le PO est un catalyseur, pas un superviseur.
Mythe 3 : Product Owner et Product Manager doivent être deux personnes distinctes
Origine de la croyance
Dans certaines entreprises, on pense que les fonctions de Product Owner (représentant de l’équipe agile) et Product Manager (vision stratégique du produit) doivent systématiquement être séparées. Cette séparation est parfois souhaitée, mais n’est ni une obligation, ni toujours judicieuse.
Réalité et bonnes pratiques
- Scrum ne prescrit aucunement la structure organisationnelle : il ne s’agit pas de titres mais de responsabilités à endosser pour la réussite produit ;
- Il est tout à fait possible qu’un même individu remplisse les deux rôles si la situation et le contexte s’y prêtent, à condition d’assurer l’indépendance et l’alignement des décisions liées à la valeur ;
- La clé : que les responsabilités Scrum soient effectivement tenues, peu importe le titre du porteur.
Mythe 4 : Le Product Owner doit forcément être technique
Origine de la croyance
Dans des environnements très techniques, il est tentant de penser qu’un PO doit maîtriser l’architecture, le code ou les progiciels métiers. Ce mythe tend à freiner l’accès à ce rôle à des profils orientés valeur, expérience utilisateur ou business.
Réalité et bonnes pratiques
- Il n’est pas indispensable que le Product Owner possède une expertise technique approfondie ;
- Son expertise clé doit porter sur la proposition de valeur utilisateur, la compréhension du marché, des enjeux métiers et la capacité à arbitrer ;
- La technique reste le domaine des développeurs, même si une culture générale technique peut faciliter le dialogue autour du backlog et aider à comprendre certains arbitrages ;
- Un duo efficace PO-Developers repose sur la complémentarité, pas sur la « polyvalence technique » forcée du PO.
Mythe 5 : Le Product Owner est un simple messager ou relais des parties prenantes
Origine de la croyance
Sous prétexte que le PO recueille les besoins des parties prenantes et des utilisateurs, il serait assimilé à un simple canal ou secrétaire transmettant des messages sans les analyser ni décider.
Réalité et bonnes pratiques
- Le PO n’est pas le porte-parole passif des parties prenantes. C’est le responsable de la valeur, qui doit écouter, synthétiser, arbitrer et prioriser en fonction des attentes de tous les acteurs ;
- Le PO travaille en collaboration active avec les parties prenantes, mais doit être capable de refuser ou de repousser des demandes qui ne servent pas la stratégie produit ;
- Le PO anime l’engagement des parties prenantes, agit en leader de la vision produit et prend des décisions, parfois impopulaires mais nécessaires, pour maximiser la valeur.
Mythes supplémentaires fréquemment rencontrés
En complément, voici d’autres idées reçues courantes selon des experts du domaine :
- « Le Product Owner doit tout valider seul » : en réalité, le PO doit surtout arbitrer, mais la validation collective renforce la pertinence produit et la motivation d’équipe.
- « Un produit peut avoir plusieurs Product Owners » : un seul responsable par produit est indispensable pour éviter les conflits d’alignement et de priorisation.
- « Tous les items du backlog sont égaux » : la valeur, l’urgence et l’effort sont variables, et la priorisation est une tâche continue et cruciale du PO.
- « Le Product Owner fait l’interface unique avec les utilisateurs » : la collaboration équipe-utilisateur est encouragée, notamment lors des revues de sprint où toute l’équipe participe.
Les conséquences des mythes sur la dynamique Scrum
Ces idées reçues nuisent concrètement à la performance :
- Risque de surcharge ou de burnout du PO quand toutes les attentes pèsent sur une seule personne ;
- Désengagement de l’équipe technique, réduite à un simple exécutant ;
- Malentendus avec les parties prenantes et perte d’agilité dans la prise de décision ;
- Érosion de la valeur délivrée et difficulté à tenir le rythme d’innovation.
Comment déconstruire ces mythes ?
Pour avancer vers une agilité authentique et performante :
- Former l’ensemble des parties prenantes aux rôles et responsabilités Scrum, en insistant sur ce que n’est PAS le PO ;
- Valoriser le co-développement et la délégation des tâches de création du backlog en interne ;
- Clarifier la gouvernance produit au sein de l’organisation et éviter l’empilement de titres ou de faux rôles proxy ;
- Encourager la montée en compétence en communication, arbitrage et synthèse pour les Product Owners ;
- Instaurer des moments d’échanges directs entre l’équipe, les parties prenantes et les utilisateurs.
En bref.
Le Product Owner joue un rôle central dans la réussite d’un produit agile, mais son efficacité dépend largement de la compréhension et du respect de ses véritables responsabilités. En déconstruisant les mythes, entreprises et équipes gagnent en clarté, en engagement et en valeur livrée. Scrum n’est pas une méthode miracle : c’est un cadre qui, bien compris et appliqué, permet de maximiser le potentiel collectif tout en gardant l’humain au cœur du projet.










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