Introduction : En allant au « Gemba » des services, managers et équipes identifient ensemble incidents, opportunités et solutions, ce qui déclenche des chantiers Lean ciblés et efficaces.
Lorsque j’évoque le Gemba Walk avec mes collègues des services, je vois souvent la même expression perplexe : « Comment peut-on faire du Gemba dans un bureau ? ». Cette réaction est compréhensible car ce concept, né dans l’industrie automobile japonaise, semble à première vue inadapté aux environnements tertiaires. Pourtant, après avoir accompagné de nombreuses transformations Lean dans les services, je peux t’affirmer que le Gemba Walk y est non seulement possible, mais absolument essentiel.
Qu’est-ce que le Gemba dans les services ?
Le terme « Gemba » signifie littéralement « l’endroit réel » en japonais. Dans l’industrie, il désigne l’atelier où se créent les produits. Dans les services, ton Gemba, c’est là où se déroulent les processus métier, où tes collaborateurs créent de la valeur pour tes clients. Il peut s’agir du plateau téléphonique de ton centre d’appels, des bureaux où tes conseillers reçoivent les clients, ou encore de l’open space où ton équipe traite les dossiers.
Le Gemba Walk dans les services consiste donc à observer directement ces lieux de création de valeur, non pas pour contrôler, mais pour comprendre, apprendre et identifier les opportunités d’amélioration. C’est une démarche fondamentalement différente du management traditionnel qui se contente souvent de tableaux de bord et de reportings.
Les spécificités du Gemba tertiaire
Contrairement au secteur industriel où les flux physiques sont visibles, dans les services, tu dois apprendre à « voir » les flux d’informations, les interactions humaines et les processus dématérialisés. Cela demande une approche adaptée et des outils d’observation spécifiques.
Comment structurer ton Gemba Walk en bureau ?
Préparation : définir ton objectif d’observation
Avant de te rendre sur le terrain, tu dois clarifier ce que tu cherches à comprendre. Es-tu en train d’analyser un processus spécifique ? Cherches-tu à comprendre l’origine d’un dysfonctionnement ? Veux-tu simplement prendre le pouls de ton équipe ? Cette clarification orientera ton observation et rendra ton Gemba Walk plus efficace.
Je recommande de préparer une grille d’observation simple avec quelques questions clés : Que fait vraiment la personne ? Combien de temps cela prend-il ? Quelles sont les interruptions ? Où sont les moments d’attente ? Quelles difficultés rencontre-t-elle ?
Pendant l’observation : les bonnes pratiques
Ton rôle n’est pas de juger mais de comprendre. Observe sans porter de jugement, pose des questions ouvertes et écoute vraiment les réponses. N’hésite pas à demander : « Peux-tu m’expliquer ce que tu fais là ? », « Qu’est-ce qui te pose difficulté dans cette étape ? », « Comment procèdes-tu habituellement ? ».
Prends des notes factuelles, chronométre certaines activités si nécessaire, et surtout, reste humble. Les collaborateurs de terrain connaissent leur travail mieux que toi, et ils ont souvent des solutions à proposer si tu sais les écouter.
Après l’observation : capitaliser et agir
Un Gemba Walk sans suite est inutile. Je te conseille de synthétiser tes observations immédiatement après la session, tant que les détails sont encore frais dans ta mémoire. Identifie les gaspillages observés (attentes, déplacements inutiles, sur-traitements, erreurs) et classe-les par ordre de priorité.
Le plus important : partage tes constats avec les équipes observées et co-construis avec elles les plans d’action. C’est cette démarche collaborative qui donnera du sens à ta démarche et engagera vraiment tes collaborateurs dans l’amélioration continue.
Les bénéfices concrets du Gemba Walk tertiaire
Amélioration des processus et réduction des gaspillages
Le premier bénéfice visible, c’est la réduction des inefficacités. En observant directement le travail, tu identifies des gaspillages invisibles depuis ton bureau : les micro-interruptions, les allers-retours inutiles, les doubles saisies, les temps d’attente cachés.
Renforcement de la relation managériale
En venant sur le terrain, tu montres à tes équipes que tu t’intéresses réellement à leur travail. Ce n’est plus du management à distance basé uniquement sur des indicateurs, mais une approche humaine qui valorise l’expertise de chacun. J’ai constaté que cette proximité améliore significativement la communication et la confiance.
Tes collaborateurs se sentent écoutés et reconnus quand tu prends le temps de comprendre leurs difficultés quotidiennes. Ils deviennent alors de véritables partenaires dans l’amélioration de leurs processus de travail.
Accélération de la résolution de problèmes
Combien de fois as-tu organisé des réunions pour résoudre un problème sans vraiment comprendre sa nature réelle ? Le Gemba Walk te permet d’aller directement à la source, de voir les problèmes en action et souvent de trouver des solutions pragmatiques et immédiates.
Retours d’expériences sectoriels
Dans les services financiers
J’ai accompagné plusieurs banques et compagnies d’assurance dans la mise en place de Gemba Walks. Dans ces secteurs hautement réglementés, l’observation du travail réel révèle souvent des écarts importants avec les procédures théoriques.
La clé dans ces environnements est de bien expliquer que le Gemba Walk ne vise pas le contrôle mais l’amélioration. Une fois cette confiance établie, les résultats sont remarquables.
Dans la logistique et les services numériques
Les entreprises de logistique et du numérique ont souvent adopté plus facilement le Gemba Walk, car elles sont familières avec les démarches d’amélioration continue. L’enjeu principal est d’adapter l’observation aux spécificités de leurs processus.
Dans les services clients
Les centres d’appels et services clients sont des terrains particulièrement riches pour le Gemba Walk. L’observation directe révèle souvent des différences importantes entre les métriques remontées et la réalité du terrain.
Surmonter les résistances et écueils courants
La peur du contrôle
La première résistance que tu rencontreras, c’est la peur du contrôle. Tes collaborateurs peuvent percevoir le Gemba Walk comme une forme de surveillance déguisée. Pour surmonter cette résistance, je te conseille d’être totalement transparent sur tes objectifs et de co-construire les règles du jeu.
Explique clairement que tu ne cherches pas à évaluer les performances individuelles mais à comprendre les processus. Assure-toi que tes observations restent anonymes et focus sur les systèmes, pas sur les personnes.
L’effet Hawthorne
Quand on observe quelqu’un, son comportement change. C’est l’effet Hawthorne. Pour le minimiser, privilégie des observations courtes mais répétées plutôt qu’une longue session unique. Avec le temps, les équipes s’habituent à ta présence et retrouvent leur comportement naturel.
Le piège de la solution immédiate
Attention à ne pas tomber dans le piège de la solution immédiate. Quand tu observes un dysfonctionnement, ta première envie sera peut-être de proposer tout de suite une solution. Résiste à cette tentation ! Prends le temps de comprendre les causes profondes et implique les équipes dans la recherche de solutions.
Mettre en place une routine de Gemba Walk
Planification et fréquence
Pour que le Gemba Walk devienne efficace, il faut en faire une routine. Je recommande de bloquer du temps régulièrement dans ton agenda : 2 heures par semaine minimum pour commencer. C’est peu comparé au temps que tu passes en réunions, mais l’impact sera disproportionné.
Varie les moments d’observation : début de journée, fin de matinée, après le déjeuner. Chaque moment a ses spécificités et tu découvriras des choses différentes selon les heures.
Construire une grille d’observation adaptée
Développe une grille d’observation simple mais structurée. Je te propose cette trame que j’utilise dans mes missions :
- Processus observé : quel processus métier ?
- Acteurs impliqués : qui fait quoi ?
- Outils utilisés : systèmes, documents, équipements
- Flux observés : informations, documents, personnes
- Temps et délais : durées des étapes, temps d’attente
- Difficultés exprimées : ce que disent les collaborateurs
- Gaspillages identifiés : selon les 8 gaspillages Lean
- Opportunités d’amélioration : premières pistes
Impliquer les équipes dans l’observation
Une fois que la démarche est bien acceptée, tu peux aller plus loin en formant tes collaborateurs au Gemba Walk. Ils deviennent alors observateurs de leurs propres processus et peuvent réaliser des observations croisées entre services.
Mesurer l’impact de tes Gemba Walks
Pour justifier le temps investi dans les Gemba Walks, tu dois pouvoir mesurer leur impact. Je te conseille de tracker quelques indicateurs simples : nombre d’améliorations identifiées, pourcentage d’améliorations mises en œuvre, gains de temps mesurés, évolution de la satisfaction client.
Mais au-delà des chiffres, l’impact le plus important est souvent qualitatif : amélioration de la communication, engagement accru des équipes, culture d’amélioration continue qui s’installe progressivement.
Conclusion : un investissement transformant
Le Gemba Walk en bureaux n’est pas qu’une technique d’observation, c’est une philosophie managériale qui place l’humain et le terrain au cœur de l’amélioration continue. En investissant quelques heures par semaine sur le terrain, tu découvriras une mine d’opportunités d’amélioration que ne révèlent jamais les tableaux de bord.
Ma conviction, forgée par des années d’accompagnement Lean dans les services, c’est que les organisations qui maîtrisent le Gemba Walk prennent une longueur d’avance considérable. Elles deviennent plus agiles, plus efficaces et surtout plus humaines.
Alors, quand commences-tu ton premier Gemba Walk ?
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